Senfuit la grāt dyablerie
« Le livre de la Deablerie est un véritable traité de sociologie et d’économie politique, une mine de renseignements d’où l’on peut tirer une connaissance approfondie de la vie courante à la fin du Moyen Age ».
Volume imprimé vers 1518 d’une insigne rareté, répertorié à 4 exemplaires dont 2 en main privée dès le XIXe siècle : l’exemplaire Yemeniz et celui-ci : n° 1702 de la vente Yemeniz de mai 1867, Le livre de la diablerie fut alors adjugé 425 Fr. Or ; Le Grant testament de Maistre François Villon vers 1518, n° 1625 de la même vente Yemeniz était adjugé 80 Fr. Or. Il vient d’être revendu 432 818 € par Maître Giquello le 2 juin 2023.
Provenance : Fairfax-Murray n° 600 ; Jean Bourdel.
Petit in-4 de 150 ff. A6, b4, c8, d4, e8, f-g4, h8-o8 (par 8 et 4 alternés), p4, q4-z8 (par 4 et 8 alternés), r4, A4, B8 ; à 2 col.
Maroquin janséniste rouge, dos à nerfs, roulette et filets intérieurs, tranches dorées sur marbrures. Chambolle-Duru.
191 x 135 mm.
Damerval, Eloy (1455-1508). Senfuit la grāt dyablerie Qui traicte ; cōment fathan fait demōftrance a Lucifer des tous les maulx que les mōdains font selon leurs estatz vacations et mestiers… Imprime a Paris nouuellement (Bois). On les vent a paris en la Rue neufue nostre dame a Lenseigne de lescu de France. (A6v° :) Imprime a paris par la veufue feu iehan trepperel, et Jehan iehannot Imprimeur et Libraire iure en luniversite de Paris Demourant en la rue neufue noftre dame ; A lenfeigne de lescu de France. (B8r° :) Cy finist la dyablerie. (B8v° :) xxvi. Vers 1518.
Édition rarissime, la seconde, répertoriée à 4 exemplaires dont au moins deux dans le domaine public : un à la Bibliothèque Mazarine, un à la Kongelige Bibliotek de Copenhague, l’exemplaire Soleinne, Yemeniz (n° 1702) et Firmin-didot (n° 174) et celui-ci. Bechtel, 204/D-26 ; Brunet, II-478 ; Fairfax Murray, 600 ; Tchemerzine-Scheler, II-720 ; USTC, 83461.
« (…) Il existe un ouvrage qui, à lui seul, se rattache à plusieurs genres à la fois : combinant en effet des éléments pseudo-dramatiques, didactiques, moraux et narratifs, il en tire une sorte de compendium, de somme abrégée de la question. Cet ouvrage datant de la fin de la période qui clôt le moyen âge est le Livre de la deablerie d’Eloy d’Amerval, parfois aussi appelé la Grande Deablerie, et qui vit le jour au début du XVIe siècle.
Son auteur avait dû recevoir une éducation assez soignée ; d’une part, il connaissait à fond les textes sacrés et la littérature religieuse, d’autre part, il avait une certaine culture musicale. Il n’ignorait pas non plus la littérature en langue vulgaire puisqu’il cite un très grand nombre d’ouvrages de ce type et que des réminiscences de beaucoup d’autres encore se rencontrent en foule dans le sien. Enfin, il a su être un bon observateur de son temps, comme le prouvent de nombreuses remarques aussi fines que sensées qui dénotent chez lui une parfaite familiarité avec les réalités de la vie quotidienne.
Le Livre de la deablerie est essentiellement un dialogue entre Lucifer et Sathan, dialogue où ce dernier est l’orateur principal.
Après avoir entendu Sathan se livrer, au cours de plusieurs chapitres à des discussions de cet ordre, Lucifer souhaite que son interlocuteur « revienne à ses moutons » (la phrase est dans le texte) ; il lui demande des renseignements sur les diverses classes et les divers états de la société. Ce tableau va occuper le reste du poème, non sans, bien entendu, force digressions.
Par la bouche de Sathan, l’auteur énumère les diverses espèces de marchands, d’ouvriers, d’artisans, leurs marchandises, leurs travaux, les outils dont ils se servent, etc. À ce point de vue le Livre de la deablerie est un véritable traité de sociologie et d’économie politique, une mine de renseignements d’où l’on peut tirer une connaissance approfondie de la vie courante à la fin du moyen âge.
Le livre de la deablerie met le point final à l’histoire du diable dans la littérature médiévale française, en ce sens qu’il résume non seulement l’ensemble des idées du moyen âge sur le diable en tant que tel, mais encore beaucoup d’autres notions corollaires ». C’est une œuvre à la fois didactique, morale, satirique et même quelquefois lyrique. C’est un livre véritablement horssérie. Le fait qu’Eloy d’Amerval ait imaginé de faire dialoguer ses deux diables est une preuve de son habileté littéraire ; qu’il ait su conduire son développement aussi bien qu’il l’a fait dénote un auteur somme toute supérieur à la moyenne. Ce sont là des constatations qui nous font d’autant plus regretter l’absence d’une édition critique moderne et complète du Livre de la deablerie.
Eloy d’Amerval connaissait François Villon et le cite dans le chapitre 68.
C’est l’une des plus anciennes références littéraires au poète : Maistre Francoys Villon jadis / Clerc expert en faictz et en ditz / Comme fort nouveau qu’il estoit / Et a farcer se délectoit / Fist a Paris son testament.
Amerval apparaît tout d’abord en tant que chantre, tenant la partie de ténor, à la cour de Savoie, à partir de 1455, sous les ordres du compositeur Guillaume Dufay. Puis on le retrouve au château de Blois, au service du prince et poète Charles d’Orléans, de 1464 à 1465. Il fut ensuite maître du chœur et « maître des enfants de chœur » (maître de chapelle) de la collégiale Saint-Aignan d’Orléans (attesté en 1468 et 1471). Il semble que dans le courant des années 1470 (vers 1474-1475 ?), il ait travaillé pour la cour des Sforza, à Milan. En 1480, il était maître du chœur de l’église Saint-Hilaire le Grand, à Poitiers.
Titre en rouge et noir orné d’une grande lettrine et d’un grand bois représentant cinq diables dont l’un prend de longues notes, un grand bois au colophon (f. A6v) imprimé en rouge et noir représentant six diables, et un bois plus petit en noir montrant Dieu apparaissant à l’auteur (f. b1r). Les feuillets A2v et A5r sont imprimés en rouge et noir, 47 petites lettrines à fond criblé.
Volume d’une insigne rareté : au XIXe siècle ne subsistaient que deux exemplaires en main privée : L’exemplaire Soleinne, Yémeniz et Firmin-Didot relié en veau et celui-ci.
Pour mémoire, l’exemplaire Yemeniz, n° 1702 de la vente de mai 1867 fut adjugé 425 Fr. Or tandis que le « Grant Testament de Maistre François Villon » vers 1518, n° 1625 de la même vente Yemeniz de mai 1867 était adjugé 80 Fr. Or.
Ce même exemplaire Yemeniz de François Villon vient d’être revendu 432 818 € par Maistre Giquello en juin 2023.

