[Révolution Française]. Mémoires pour servir à l'histoire de l'année 1789
Édition originale de l’une des premières relations de la journée du 14 juillet 1789 conservée dans ses reliures révolutionnaires marquées « Pro Patria Fondeville ».
4 volumes in-8, basane marbrée, chiffre et devise révolutionnaire frappés or au centre des plats, dos lisse, coupes décorées, tranches jaspées. Reliure d’époque révolutionnaire.
195 x 120 mm.
[Révolution Française]. Mémoires pour servir à l'histoire de l'année 1789 par une société de gens de lettres.
Paris, 1790.
Édition originale célèbre et rare retraçant les premières journées révolutionnaires.
« On pourrait tenter de déterminer dans le déroulement révolutionnaire le moment où la Révolution non plus contente de se mettre en scène, de se donner à voir à ses acteurs et à ses enfants dans une pédagogie du narcissique qui, la distance aidant, se transforme en pratique commémorative, est l’objet d’une analyse sur ses origines, son sens et son devenir et trouve à s'inscrire dans un discours historiographique qui la saisit non seulement dans son flux propre mais aussi dans le mouvement d’une histoire qui l’excède. Sans doute la dénonciation des Aristocrates, des Prêtres, de la Cour et du Roi peut-elle passer comme une désignation non-dite de ses causes et donc des origines du processus révolutionnaire. C’est la faute à Voltaire, c’est la faute à Rousseau proclame-t-on d’un côté, c’est la faute aux Aristos et à Madame Véto tonne-t-on de l’autre. On avouera que l’analyse n’est guère précise et que des causes aussi générales ne permettent pas de comprendre le pourquoi des faits, la mécanique de l’événement, sa place dans le devenir historique. Pour qui contemple la masse des écrits auxquels la Révolution donne naissance, le poids du contemporain le plus immédiat est patent. La commémoration du 14 juillet 1789 et d’autres dates fondatrices par la Révolution elle-même ne doit pas faire illusion. Tout d’abord parce qu’elle replie l'événement révolutionnaire sur lui-même et rend presque impossible son rattachement à une histoire qui la précède, à des références qui lui soient extérieures (Révolution d'Angleterre ou Révolution d'Amérique par exemple pour rester dans le passé proche). Mais aussi parce qu’en instituant un culte des origines, elle affirme une naissance et une coupure, une spécificité radicale qui souligne son étrangeté à toute histoire passée et son absolue différence. La conscience d’inventer, d'entrer dans une ère nouvelle où le temps et l’espace sont soumis à de nouvelles mesures, si vivante chez les Révolutionnaires conduisait à cette impossibilité d'une saisie historique qui ne soit ni segmentée, ni coupée de toute histoire » (Jean-Marie Goulemot).
Le 14 juillet 1789 : « … Presque toutes les nouvelles qui étaient arrivées de Paris, dans la matinée, faisaient espérer le retour du calme et de la paix dans cette capitale. Beaucoup de députés croyaient même pouvoir se dispenser d’aller l’après-dîner à l’assemblée. Cependant des bruits sourds commençaient à troubler ce moment de tranquillité, lorsque M. le Vicomte, de Noailles est arrivé à toutes brides de Paris. Son air seul annonçait ce qu’il avait à raconter. Il est monté dans l’assemblée, environné de députés. Là, il a dit ce qu’il avait vu lui-même, toute la bourgeoisie de Paris en armes, et dirigée dans sa discipline par des Gardes françaises et des Suisses, les canons des Invalides et les fusils enlevés ; toutes les familles nobles obligées de se renfermer dans leurs maisons : la Bastille forcée, et M. de Launay, son gouverneur qui avait fait tirer sur les citoyens, égorgé.
Il est aisé de concevoir l’impression terrible que ces nouvelles désastreuses ont produite sur les représentants de la Nation. Sur le champ, il a été arrêté une députation au roi, dans laquelle se mêlerait M. le vicomte de Noailles, comme témoin des vérités fatales qu’on devait lui faire entendre.
Tandis que les députés s’étaient rendus auprès de sa Majesté, il est arrivé une députation des électeurs et du comité de police de Paris. Ils ont fait un récit détaillé des troubles de la capitale, de ses malheurs, et des soins vigilans et éclairés que ses citoyens prennent pour en prévenir de plus affreux. Ils ont fait connaître avec quelle indignité M. de Launay, après avoir laissé entrer dans les cours de la Bastille, des citoyens qui lui portaient des prières de paix, avait fait lever les ponts et avait fait tirer sur eux. Ils ont paru ignorer que M. de Launay eut expié un si grand crime. Ils ont ajouté que des courriers expédiés pour diverses provinces avaient été arrêtés, que le peuple s’était emparé des dépêches dont ils étaient porteurs et voulait qu’on les ouvrît ; que le comité de police s’y était opposé ; qu’un autre courrier, expédié au gouverneur de la Bastille, avait aussi été arrêté ; qu’on avait ouvert ses paquets, et qu’on y avait trouvé l’ordre donné au gouverneur de faire tirer sur le peuple aussitôt qu’il le jugerait à propos. Plusieurs voix ont demandé les noms de ceux qui avaient signé de tels ordres, et qui devaient les expier de leurs têtes. M. de Clermont-Tonnerre a dit : ce n’est pas le moment de s’occuper de vengeance ; et celle des lois et de la justice doit être lente. M. le marquis de La Fayette, remplissant les fonctions de vice-président, a exprimé aux députés de Paris, les sentiments de l’assemblée nationale, et leur a dit qu’ils allaient entendre eux-mêmes la réponse du roi qu’attendait l’assemblée, et qu’ils auraient la preuve des soins qu’elle avait pris pour s’éloigner de Paris les désastres qui s’y multiplient. Par acclamation, il a été décidé qu’une seconde députation irait, sur le champ, remettre ces nouveaux faits sous les yeux du roi ; mais M. le Marquis de Montesquiou a fait sentir qu’il était nécessaire, avant de faire partir la seconde députation, d’entendre la réponse qui aurait été faite à la première. Elle est arrivée bientôt. Le roi a répondu, en substance, qu’il était affligé des maux et des troubles qui désolent Paris, qu’il s’en occupait avec une continuelle inquiétude ; que les troupes étaient déjà écartées de Paris, et qu’il avait donné ordre à ses officiers généraux de se mettre à la tête des gardes bourgeoises de Paris. Un long et morne silence a été l’effet qu’a produit cette réponse, et la seconde députation est partie… »
Précieux exemplaire de cette rare édition originale conservée dans ses reliures de l'époque au chiffre révolutionnaire « Pro Patria Fondeville ».

