Le Livre de la conqueste de la Toison d’or

Thiry - Boyvin - Gohory
Paris, Jacques Gohory, 1563
Prix : 35 000 €

Précieuse suite, d’une grande rareté.

L’un des sommets de l’Ecole de Fontainebleau.

In-folio oblong. Veau vert romantique, guirlande florale à froid au sein d’un double filet or encadrant les plats, dos lisse, titre doré en long, roulette dorée sur les coupes, roulette intérieure dorée. Reliure vers 1840.

335 x 240 cm.

Thiry, Léonard de. Boyvin, René. Gohory. Le Livre de la conqueste de la Toison d’or, par le prince Jason de Tessalie, faict par figures avec l’explication d’icelles.Paris, Jacques Gohory, 1563.

L’une des plus précieuses et des plus rares suites de l’école de Fontainebleau, gravée sur cuivre par René Boyvin sur les dessins de Léonard Thiry, l’un des premiers peintres appelés à Fontainebleau par le roi François Ier, collaborateur de Rosso et de Primatice dans la decoration du palais.

Harvard. French 16th century books. II, n° 520 ; Peter ward Jackson, Some mainstreams and tributaries in European ornaments from 1500 to 1750. 1967, p. 10-13 ; Brun, Le livre français illustré de la Renaissance, p. 199 ; Brunet, II, 1648.

L’ouvrage tire son origine d’une commande de Jean de Mauregard qui, pour la distraction de Charles IX, avait demandé à Gohory cette narration mythologique de la conquête de la Toison d’or.

Mauregard, dans sa dédicace, prend en compte la dimension de « répertoire décoratif » de l’illustration et en fait présent au roi « ƒust pour la lecture du livre ou par adventure pour patron de quelque tapisserie à orner un jour une sale de vos riches palais… ou pour une peinture exquise à enrichir quelque galerie ».

En 26 tableaux de grand format (230 x 160 mm) Léonard Thiry excelle à traduire les épisodes multiples de la légende de Jason, insérés dans de magnifiques bordures très élaborées dont la richesse et la verve imaginative placent l’œuvre dans la grande tradition de l’école de Fontainebleau.

« Ces estampes devaient servir de patron pour les grandes tapisseries royales » (J. Gohory).

La dernière planche porte la signature de Thiry et celle de Boyvin, « one of the most influential figures in the early engraving in France » (Mortimer).

« Chaque scène de la « conquête » est entourée d’une riche bordure « displaying a fantastic assortment of figures, putti, grotesques, birds, animals, and cartouches containing small scenes. It is this wealth of invention in the borders, sometimes eclipsing the scenes themselves, that makes this a major work in the Fontainebleau tradition » (Harvard. French books, 519).

Les gravures à l’eau forte, très puissantes, sont l’oeuvre de René Boyvin.

« L’un des plus considérables et des plus anciens graveurs au burin dans la grande manière qu’ait eue la France au xvième siècle ; il était assez bon dessinateur et grava aussi à l’eau forte »

(Robert Dumesnil,viii, 13 et 55).

La suite de la “Toison d’or” est “du meilleur faire de Boyvin”. Elle se trouve ici dans l’état définitif avec les numéros.

Robert Dumesnil décrit 3 états, le premier étant, en réalité, un état avant les numéros et avant les quatrains (alors gravés à part). L’état normal (R-D : 2e) est celui-ci définitif, comportant en haut des planches leur numéro. Un 3e état, plus tardif, ne comporte plus les numéros.

6 planches ont une marge plus courte et proviennent d’un autre exemplaire mais la totalité des 26 planches présente le même filigrane décrit par Needham (Twelve centuries of Bookbinding. P. 246).

Cette suite est précédée de la préface en français de Jacques Gohory dans lequel Boyvin précise que ces estampes devaient servir de patrons pour les grandes tapisseries royales.

Le texte prend la forme de quatrains insérés dans un cartouche sous chacune de gravures.

« A la suite des guerres d’Italie, François Ier se donne tout entier au projet de faire fleurir l’industrie, le commerce et les lettres. Les fêtes données par le roi plus élégantes que somptueuses offrent les plus brillantes images de la chevalerie sa curiosité presque universelle le poussait à acheter des tableaux précieux et à les proposer en modèle aux artistes français. Il visitait dans leurs ateliers le Primatice Léonard de Vinci, et excitait l’émulation des artistes français. Il entreprit ainsi le Louvre et fit bâtir les châteaux de Fontainebleau, de Chambord et de Madrid en s’entourant des plus grands peintres et sculpteurs de l’époque ».

Le peintre Léonardo Thiry fut ainsi appelé par François Ier à exercer ses talents à Fontainebleau où il travailla à partir de 1535 en collaboration étroite avec Rosso et Primatice.

Il traitait principalement des sujets d’histoire, des scènes de genre et des paysages.

Il participa ainsi à la décoration de la galerie François Ier puis de 1537 à 1550 à la « Porte Dorée ».

« La dépense consentie, le recrutement des artistes, l’effort d’invention, la perfection des ornements et l’originalité du résultat ont fait de la galerie François Ier à Fontainebleau une péripétie essentielle de l’histoire de l’art français.

Le répertoire décoratif à la base de guirlandes de putti, de chutes de fruits est une synthèse étourdissante du décor italien adapté au goût français, le traitement et la gaieté du maniérisme italien acclimaté en France en font une création inédite définissant pour la France, l’école de Fontainebleau et la Haute Renaissance » (André Chastel. L’Art français II. 163-164).

Rarissime exemplaire de cette suite magnifique de l’école de Fontainebleau non lavé et de très beau tirage.

Il provient de la bibliothèque de Louis Denis Secousse (1691-1754) avec signature sur le titre.

Avocat au Parlement et célèbre amateur et savant, membre de l’Académie des Inscriptions, celui-ci avait réuni une importante bibliothèque qui fut vendue après sa mort, en 1755.

L’exemplaire appartînt ensuite à Maurice Fenaille (1855-1937), l’un des grands amateurs d’art et mécène de la première moitié du XXè siècle. Ses collections comprenaient notamment des estampes et des tapisseries du XVIè siècle.