Scènes de la vie de province
Édition originale de trois chefs-d’œuvre balzaciens : La Femme abandonnée, La Grenadière et L’Illustre Gaudissart.
Exemplaire de haute bibliophilie imprimé sur papier rose, tirage demeuré inconnu de Carteret.
« Ont été tirés quelques exemplaires sur papier de couleur, que l’on rencontre séparément et qui sont fort recherchés » (M. Clouzot).
Grand in-8 de (2) ff., 387 pp., (1) f.
Demi-maroquin bleu à coins, filet or sur les plats, dos lisse orné de filets dorés, exemplaire non rogné, couvertures conservées. Bretault.
223 x 143 mm.
Balzac, Honoré de. Scènes de la vie de Province. Deuxième volume. La Femme abandonnée – La Grenadière – L’illustre Gaudissart. Seconde partie des Scènes de la vie de Province. Etude de mœurs au XIXe siècle. Tome VI.
Paris, Madame Charles-Bechet, 1834.
Édition originale de La Femme abandonnée, de La Grenadière et de l’Illustre Gaudissart.
« Ont été tirés quelques exemplaires sur papier de couleur, que l’on rencontre séparément et qui sont fort recherchés » (Clouzot).
« Il a été tiré quelques exemplaires sur papier jonquille qui sont d’une grande rareté » (Carteret, I, 69) qui ignore l’existence des exemplaires sur papier rose.
Exceptionnel exemplaire sur papier rose, d’une rare grandeur de marges.
La Femme Abandonnée. Dans le petit monde fermé de l’aristocratie de Bayeux, en Basse-Normandie, le jeune baron Gaston de Nueil est venu passer quelque temps à la campagne chez une de ses parentes. Là, il s’éprend, avec toute l’ardeur de ses vingt ans, de la vicomtesse Claire de Bauséant. C’est une mystérieuse figure de femme. Jeune encore et assombrie par une tragique expérience amoureuse, elle vit dans ses terres, en recluse, après s’être séparée de son mari. Claire ne peut résister longtemps à l’insistance passionnée du jeune homme. Après de dramatiques hésitations, les deux amants se réfugient en Suisse pour jouir de leur bonheur. Douze ans plus tard, nous les retrouvons en France, Claire a acheté un château près des terres du baron. Elle a passé la quarantaine, et son amant, plus jeune, commence à se lasser d’elle. Influencé par ses parents et irrité de l’orgueilleuse clairvoyance de sa maîtresse, il se décide à rompre pour faire un mariage de raison. Mais cette nouvelle expérience ne lui apporte que déceptions ; en proie au remords, il tente de renouer avec Claire. Repoussé par elle, il se tue. Ce long récit se tient dans les limites du réalisme minutieux, tout à fait dans la manière du meilleur Balzac.
La Grenadière. La « Grenadière » c’est le nom d’une vieille maison de campagne située au bord de la Loire, et toute proche de Tours. Au début de la Restauration, cette maison est louée par une femme encore jeune, dont la sante délicate semble ruinée par une grave maladie. Elle se fait appeler Mme Willemsens ; elle vit là, fuyant tout contact avec le monde, entièrement absorbée par l’éducation de ses deux fils. Moins de deux ans plus tard la pauvre femme meurt, laissant ses deux enfants seuls au monde. Son fils aîné, Louis, qui n’a guère que quinze ans, montre un caractère courageux que renforce encore l’éducation qu’il a reçue. Il montre clairement qu’il est capable de tenir la promesse qu’il a faite à sa mère : il saura veiller avec une sollicitude paternelle pour son jeune frère ; il sera prêt à affronter avec bravoure la lutte pour la vie. La confession de la mère mourante à son fils, ainsi que d’autres détails insérés çà et là, comme au hasard, nous laisse entrevoir le passé orageux de Mme Willemsens : c’est toute la romantique histoire d’une passion coupable, avec ses tragiques conséquences, ennoblie par le malheur et rachetée par l’amour maternel. Mais ces éléments romanesques ne forment, pour ainsi dire, que le cadre de l’intrigue. Ce récit est traité avec un accent de tendresse sauvage et dans un style qui, sans renoncer aux longues analyses toujours chères à Balzac, reste pur de toute prétention réaliste ainsi que de digressions morales. La Grenadière dégage un halo poétique d’une rare pureté, ce qui lui donne une place privilégiée dans l’œuvre du grand romancier.
L’Illustre Gaudissart. Célèbre récit d’Honoré de Balzac (1799-1850), publié en 1834. Il est dominé par la figure de Félix Gaudissart, personnage type qui rassemble tous les défauts et toutes les qualités du commis voyageur. Encore jeune mais presque chauve, petit, grassouillet, vigoureux, le visage épanoui, Gaudissart se voit couramment appelé « l’illustre Gaudissart ». Jamais à court de bons mots et de facéties, serviable et des plus actifs, en outre plein d’optimisme, il a commencé par vendre des chapeaux. Mais son génie l’a poussé tantôt vers les « articles de Paris » tantôt vers les assurances et même vers le journalisme. Quelque temps après la révolution de 1830, il prépare une longue tournée en province. Il est chargé de recueillir des abonnements pour Le Globe, journal d’inspiration saint-simonienne, pour Le Mouvement, qui est républicain, et même pour le Journal des enfants. Nous le suivons ainsi dans la plupart de ses déplacements. Mais le récit devient surtout intéressant au cours de l’épisode qui se passe en Touraine. Arrivé dans ce pacifique et heureux pays de viticulteurs, rusés et méfiants, ennemis du progrès et toujours prêts à rire (le pays de Rabelais d’ailleurs). Gaudissart essuie son premier grand échec. Introduit auprès d’un notable, celui-ci lui joue une farce à sa façon : il le conduit chez un fou et le lui présente comme étant un personnage des plus influents ; Le fou se comporte si bien que Gaudissart ne peut en aucun moment se méfier. Après une conversation stupéfiante, au cours de laquelle il met en œuvre toutes les ressources de son éloquence, Gaudissart s’en va sans avoir pu recueillir le moindre abonnement, mais avec la promesse de recevoir deux barriques de vin que le fou d’ailleurs ne possède pas. Lorsqu’il découvre la mystification, la colère de Gaudissart est terrible. Après un duel burlesque avec l’instigateur de la farce, il quitte ce pays où il n’a pu exercer sa « mission ». Les premières pages de cet ouvrage laissent percer des velléités moralisatrices, l’auteur fait les plus sombres prévisions sur le prochain triomphe de la démocratie, dont le commis voyageur serait une sorte de symbole. Mais bientôt il se laisse entraîner par son sujet. Il s’abandonne alors à la joie de nous tracer un portrait des plus minutieux et des plus colorés. Le contraste entre le progressiste Gaudissart et les sceptiques et traditionalistes Tourangeaux est plein de saveur. Le duel oratoire entre Margaritis le fou, digne et grave mais nuageux dans ses discours, est vraiment du plus haut comique.
Remarquable, superbe et rarissime exemplaire de haute bibliophilie imprimé sur papier rose, tirage demeuré inconnu de Carteret.
