Le Siècle de Louis le Grand

Perrault, Charles

Dans ses Contes de Perrault, (Paris, 1968) le grand spécialiste Marc Soriano (1918-1994) raconte : « C’est le 27 janvier 1687 que Perrault lance sa « bombe » : « Le Siècle de Louis XIV ».

L’exemplaire même de Charles Perrault offert par celui-ci « au duc du Maine » fils illégitime de Louis XIV et de Madame de Montespan, avec envoi autographe.

In-4 de 27 pp., vignette de titre aux armes de Louis XIV.
Couverture de papier marbré de l’époque, étui-boîte.
Provenance : Exemplaire donné par Perrault au duc du Maine, avec envoi autographe.

260 x 205 mm.

Perrault, Charles (1628-1703). Le Siècle de Louis le Grand. Poème. 
Paris, Coignard, 1687. 

Édition originale de ce panégyrique de Louis XIV, point culminant de La Querelle des Anciens et des Modernes.

Exemplaire enrichi d’un envoi autographe du grand écrivain et conteur : « Pour monseigneur le duc du Maine Par son tres humble et tres obéissan serviteur Perrault »

Perrault était commis à la Surintendance des bâtiments royaux et secrétaire de la Petite Académie, ancêtre de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Élu ensuite à l'Académie française, il en devint chancelier à la mort de Séguier. Perrault avait la confiance de Colbert, par lequel il fut nommé contrôleur général des Bâtiments, et continua son œuvre de panégyriste officiel.

C'est à ce moment que, prenant la défense d'Alceste, l'opéra de Quinault et Lully créé en 1674, il en proclama la supériorité par rapport à la pièce d'Euripide ; Racine lui répondit. C'était le prélude de la querelle des Anciens et des Modernes qui devait prendre plus d'ampleur.

Cette louange de Louis XIV, dans laquelle il affirme que l'époque moderne est à la hauteur de l'Antiquité est le point culminant de la querelle des anciens et des modernes.

Dans ses Contes de Perrault, (Paris, 1968) le grand spécialiste Marc Soriano (1918-1994) raconte : "C'est le 27 janvier 1687 que Perrault lance sa "bombe". Louis XIV vient d'être opéré de la fistule et l'Académie se rassemble pour marquer publiquement sa joie de la guérison du roi. Te Deum. Harangues. L'abbé de Lavau se lève pour réciter un poème de circonstance. Ce poème, c'est Le Siècle de Louis leGrand de Charles Perrault.

Dès les premiers vers, certains académiciens dressent l'oreille. Impossible de s'y tromper : ce Siècle de Louis le Grand n'est pas la pièce d'apparat à laquelle on aurait pu s'attendre, l'exorde ne laisse aucun doute sur le sujet abordé : "La belle Antiquité fut toujours vénérable/Mais je ne crois jamais qu'elle fut adorable [...] Et l'on peut comparer sans craindre d'être injuste /Le Siècle de Louis au beau Siècle d'Auguste." L'œuvre fit scandale. La fureur de Boileau et des hellénistes fit écho à celle de La Fontaine ; celui-ci, pourtant, tout en défendant ses chers Anciens dans son épitre à Huet, de 1693, adoptera une position mesurée, qui, comme celle de Boileau en 1694, amènera à la réconciliation avec Perrault.

Suivant l'exemple de Descartes et de Pascal, les Modernes (Perrault, Quinault, Saint-Évremond, Fontenelle, Houdar de La Motte) critiquent l'Antiquité en raison du progrès des techniques et des sciences, et en raison de l'ennui que les auteurs anciens peuvent provoquer auprès d'un public mondain et féminin : selon eux on ne peut considérer les Modernes comme inférieurs à leurs ancêtres.

Les Anciens (Boileau, Racine, La Bruyère, La Fontaine, Madame Dacier) invoquent le génie des écrivains antiques, d'Homère et de Virgile, pour expliquer qu'ils doivent rester des modèles dans la pratique des arts.

Cette querelle se déroula en trois étapes principales :

Dans la première, le débat portait sur l'épopée et le poème héroïques. Boileau, dans son Art poétique (1674) préconisait le respect des modèles grecs et latins et le recours à la mythologie.

La querelle s'élargit à la question de l'emploi du français au lieu du latin dans les inscriptions.

La deuxième étape, la plus importante, commença en 1687, le 27 janvier avec le poème que Charles Perrault présenta à l'Académie : le Siècle de Louis le Grand critique les Anciens, fait l'éloge des contemporains, proclame le siècle de Louis XIV supérieur à celui d'Auguste

La docte Antiquité dans toute sa durée
À l’égal de nos jours ne fut point éclairée.
(Charles Perrault. Le siècle de Louis le Grand)

Boileau s'indigna et attaqua, soutenu par La Bruyère.

La polémique enfla avec la publication par Perrault des quatre volumes du Parallèle des anciens et des modernes à partir de 1688, où il attaque les Anciens en comparant dans un dialogue fictif les réalisations des Anciens avec les réalisations modernes dans presque tous les aspects de la vie humaine. La polémique tournait essentiellement autour de deux modèles esthétiques opposés : le principe de l’imitation orienté vers l’Antiquité comme idéal de beauté absolu et d’autre part le principe du génie de l’imagination qui puise son inspiration en lui-même.

La belle Antiquité fut toujours vénérable ;
Mais je ne crus jamais qu’elle fût adorable.
Je voy les Anciens sans plier les genoux,
Ils sont grands, il est vray, mais hommes comme nous ;
Et l’on peut comparer sans craindre d’estre injuste,
Le Siecle de Louis au beau Siecle d’Auguste.
(Charles Perrault, Parallèle des anciens et des modernes en ce qui regarde les arts et les sciences)

Le Grand Arnauld dut s’entremettre pour réconcilier les parties et, le 30 août 1694, Perrault et Boileau s’embrassèrent en public à l’Académie française. La réaction du public de l’époque pourrait donner à penser que Perrault et son parti remportèrent la victoire dans cette polémique, mais il n’y eut pas de victoire nette, la querelle s’étant en quelque sorte épuisée.

L’exemplaire même offert par Charles Perrault au duc du Maine.

Le duc du Maine, auquel est adressé l'envoi autographe de Perrault, était le frère du Grand Dauphin, second fils illégitime de Louis XIV et de la Marquise de Montespan, né en 1670 et légitimé en 1673. L'exemplaire est fort bien conservé et grand de marges, la dédicace n'ayant pas été atteinte.

Ouvrage très précieux.

Vendu