Artamene ou le Grand Cyrus

Mademoiselle de Scudéry
Paris, 1654
Prix : 15 000 €

L’un des plus précieux exemplaires connus du Grand Cyrus de Mademoiselle de Scudéry, le seul répertorié relié en vélin de l’époque aux armes de Louis-François Vireau des Espoisses, seigneur de Villeflix, maître de la chambre aux deniers du Roi.

Mademoiselle de Scudéry. (1608-1701). Artamene ou le Grand Cyrus. Dédié à Madame la Duchesse De Longueville. Par M. De Scudéry, Gouverneur de Nostre Dame de la Garde.Rouen et se vend à Paris, Augustin Courbé. Avec Privilège du Roy. 1654.

10 volumes in-8 de 16 ff et 543 pp (Tome Ier). 678 pp ; 662 pp. ; 644 pp. ; 668 pp. ; 719 pp. ; 684 pp. ; 677 pp. ; 654 pp. ; 784 pp. ; le tout illustré de 10 frontispices, 1 portrait de Melle de Scudery et 30 figures de Chauveau.Vélin ivoire, armoiries frappées or au centre des plats, couronne centrale grattée sous la révolution, pièce de titre en maroquin rouge ajoutée et collée au XVIIIe siècle, supprimée au XXe siècle.Reliure armoriée de l’époque.

179 x 115 mm.

La plus précieuse édition du Grand Cyrus, la seule possédant les 10 volumes à la même date de 1654 sans mention d’édition. Elle est demeurée inconnue de l’ensemble des bibliographes : Deschamps, mentionne une seule édition mêlant les dates de 1653 et 1654.

Tchemerzine décrit une première édition dont les volumes s’étagent de 1650 à 1656 avec les tomes 1 à 5 portant « seconde édition ». Il décrit 3 éditions ultérieures « mais elles contiennent des tomes de plusieurs dates différentes ».

Ce chef-d’œuvre de l’illustre précieuse Madeleine de Scudery (1608-1701) connut une vogue extraordinaire pendant toute la seconde moitié du XVIIe siècle et fut traduit alors en anglais, allemand, italien, espagnol et même arabe.Il dut sa fortune à son caractère romanesque et sentimental et aux identifications de ses héros avec les personnages considérables de ce temps. Mlle de Scudéry était une des plus illustres « précieuses » ; ses samedis étaient célèbres où elle recevait tous les beaux esprits de la Cour et de la ville. Elle entreprit, avec son frère Georges, une série de romans dont les sujets sont tirés de l’histoire, celle de la Rome des rois pour Clélie, où se trouve la fameuse « Carte du Tendre », celle de la Perse antique pour Le Grand Cyrus.

Le Grand Cyrus est un roman à clés et Victor Cousin, qui s’est attaché à l’étude de la société française au début du XVIIe siècle, a retrouvé les principales identifications : le Grand Cyrus c’est le Grand Condé, Mandane est la duchesse de Longueville, Philonide, Julie d’Angennes. Mlle de Scudery paraît elle-même sous le nom de Sapho. Les caractères sont bien tracés et les traits devaient en être à la fois exacts et très mesurés, puisque les originaux s’y reconnurent et furent fort satisfaits de leurs portraits.

Lorsqu’il fut publié, ce recueil des fameuses conversations devint une manière de manuel de la bonne société.

Ce qui est proprement féminin dans ce livre, c’est la peinture de l’amour précieux. Le Cyrus fut pour toute une génération le manuel du parfait amour. Tout l'hôtel de Rambouillet se reconnaissait dans le Cyrus.

La renommée de mademoiselle de Scudéry ne demeura pas renfermée dans son pays ; la reine Christine l'honora de son amitié, de ses lettres et de ses dons ; l'académie des Ricovrati de Padoue l'admit dans ses rangs.Le duc de St-Aignan, que madame de Sévigné appelait le paladin par éminence, M. et madame du Plessis-Guénégaud, le poète Sarrasin, Godeau, Ysarn, madame Arragonais et madame d'Aligre sa fille, enfin Chapelain, composaient, avec d'autres personnages moins connus, le cercle intime de Mademoiselle de Scudery. Chacun s’y décorait d'un nom de roman. Madame Arragonais s’appelait la princesse Philoxène, madame d'Aligre Télamire, Sarrasin Polyandre, Conrart Théodamas, Pellisson Acante ou le Chroniqueur, parce qu'il était chargé de la rédaction des annales de la société ; M. de Guénégaud Alcandre, et sa femme Amalthée ; le duc de St-Aignan s'appelait Artaban, Ysarn, l'auteur du Louis d'or, prit le nom de Zénocrate ; M. de Raincy celui du prince Agathyrse ; la spirituelle abbesse de Malnoue celui d'Octavie  ; Godeau, le nain deJulie, y était appelé le Mage de Sidon, et quelquefois aussi le Mage de Tendre.

Le jour le plus célèbre dans ces galantes annales fut le samedi 20 décembre 1653. Conrart avait donné à mademoiselle de Scudéry un cachet de cristal, qu'un madrigal accompagnait. Sapho répondit par ces vers :

Pour mériter un cachet si joli,Si bien gravé, si brillant, si poli,Il faudrait avoir, ce me semble,Quelque joli secret ensemble ;Car enfin les jolis cachetsDemandent de jolis secrets,Ou du moins de jolis billets ;Mais, comme je n'en sais point faire,Que je n'ai rien qu'il faille taire.Ou qui mérite aucun mystère,Il faut vous dire seulementQue vous donnez si galamment,Qu'on ne peut se défendreDe vous donner son cœur, ou de le laisser prendre.

Cette pièce jeta l'assemblée dans un grand enthousiasme : Pellisson, Sarrasin, Conrart, mademoiselle Arragonais, madame d'Aligre, chacun improvisa son madrigal. On répliqua par d'autres madrigaux plus galants les uns que les autres, et cette soirée prit le nom de journée des madrigaux.

Avec Le Grand Cyrus, Madeleine de Scudery a inauguré dans la littérature française le roman psychologique qui devait être une de nos gloires les plus authentiques.

Exemplaire en condition inconnue de Tchemerzine comportant tous les volumes à la même date et relié en vélin armorié de l’époque, provenant de Louis-François Vireau des Espoisses, seigneur de Villeflix qui fut maître de la chambre aux deniers du roi. (Olivier Pl. 1362).