[Le Miroir] Mercure de France
« Le Miroir de Marivaux est un nouveau parallèle des Anciens et des Modernes » (Christelle Bahier-Porte).
Très bel exemplaire conservé dans sa fine reliure en maroquin de l’époque aux armes du roi Louis XV.
In-12 de 216 pp., 2 planches de musique gravées.
Maroquin rouge, triple filet doré encadrant les plats, armoiries frappées or au centre, dos à nerfs orné de fleurs de lys, filet or sur les coupes, gardes de papier dominoté d’Augsbourg, tranches dorées. Reliure de l’époque.
161 x 94 mm.
[Marivaux, Pierre Carlet de Chamblain de. Le Miroir] Mercure de France.
Paris, Chaubert, janvier 1755.
Contient Le Miroir de Marivaux « qui mérite d’être observé à sa juste valeur comme synthèse des idées des Modernes ».
Le Miroir paraît en janvier 1755 et se fonde probablement sur une lecture faite par Marivaux à l’Académie française, le 4 avril 1748, intitulée Réflexions en forme de lettre sur l’esprit humain.
Marivaux prend pour point de départ la traduction de Thucydide par Perrot d’Ablancourt. Il reproche à la « belle infidèle » du célèbre traducteur de dérober « l’histoire de l’esprit humain » et plaide ainsi pour une traduction littérale qui restitue au lecteur moderne « le tour d’esprit qu’on avait [du] temps [de Thucydide] » (JOD, p.459).
À partir de cette remarque, Marivaux décrit l’accroissement du « fonds d’idée » dont dispose les hommes tout au long de l’histoire.
Par une curieuse fiction allégorique, Marivaux donne à voir, par l’artifice d’un miroir, quelques unes des productions de l’esprit humain depuis Homère jusqu’à Helvétius.
« À cheval sur deux siècles », selon l’expression de Mario Matucci, l’écrivain revient sur la Querelle des Anciens et des Modernes pas encore complètement éteinte mais moins dans un but polémique que pour inviter ses contemporains à se méfier du « prestige des distances ». Il défend, comme dans le discours précédent et avec une belle constance depuis les premiers romans « travestis », les progrès continus de l’esprit humain et la nécessité de considérer les Anciens « dans leur temps » et à leur « juste valeur ».
Sous forme de lettre adressée à « Monsieur », l’auteur promet des « aventures un peu singulières » qui prennent d’abord la forme d’un voyage imaginaire. Le spectacle « curieux » qui est finalement proposé est celui de l’histoire de l’esprit humain, ce « spectacle qui serait neuf pour nous » (JOD, p.460) dont Perrot d’Ablancourt avait privé ses lecteurs dans les « Réflexions sur Thucydide ».
L’intérêt du Miroir est qu’il permet de saisir d’un seul coup d’œil les productions de l’esprit « depuis le plus mauvais conte de fée, jusqu’aux systèmes anciens et modernes les plus ingénieusement imaginés ; depuis le plus plat écrivain jusqu’à l’auteur des Mondes » (p. 535). Le Miroir abolit donc les distances, au sens spatial comme au sens temporel et permet ainsi de mettre sur un même plan contes de fée et systèmes philosophiques, Chapelain et Fontenelle, Homère et Voltaire.
Par son objet, la revue des productions humaines depuis l’Antiquité, par sa forme en deux parties et en miroir, comme par sa finalité : inviter ses contemporains à une juste considération des œuvres, Le Miroir est aussi un nouveau parallèle des Anciens et des Modernes.
Marivaux défend clairement la conception moderne d’une histoire linéaire faite d’une succession d’idées nouvelles, qui enrichissent, « nourrissent », « accroissent » le « fonds d’idées » qui constitue l’esprit humain.
Après avoir nié « le prétendu affaiblissement de l’esprit humain » décrété par les Anciens, le discours se ferme sur le principe suivant : « l’accroissement de l’esprit est une suite infaillible de la durée du monde » répété à l’avant-dernier paragraphe du discours : « l’augmentation des idées est une suite infaillible de la durée du monde », discours dont les derniers mots sont « le fond de l’esprit humain va toujours croissant parmi les hommes » (p. 549). Il s’agit donc d’affirmer très nettement une progression linéaire, même si elle relève de l’infiniment petit, de l’histoire notamment contre Perrault qui affirmait que la perfection avait été atteinte au « siècle » de Louis XIV, la reprise de l’expression « la durée du monde » semble répondre directement à cet illustre ancien Moderne.
Le Miroir mérite d’être observé lui aussi à sa juste valeur, comme synthèse des idées des Modernes et dialogue par delà les frontières temporelles avec les grands esprits de l’Antiquité au XVIIIe siècle.
(Christelle Bahier-Porte. “Un pur jeu d’esprit”: l’histoire de l’esprit humain d’après Le Miroir de Marivaux (1755). Genand, Stéphanie and Poulouin, Claudine. Parcours dissidents au XVIIIe siècle : la marge et l’écart, Desjonquères, 2011, L’Esprit des lettres).
Très bel exemplaire conservé dans sa fine reliure en maroquin de l'époque aux armes du roi Louis XV.
