Remarques sur les tragédies de Jean Racine

Racine, Jean et Louis
Amsterdam et Paris, 1752

Le superbe et précieux exemplaire personnel du roi Louis XV avec les cachets de la bibliothèque royale, les armoiries et chiffres couronnés du roi.

Racine, Jean et Louis. Remarques sur les tragédies de Jean Racine ; suivies d’un Traité sur la Poésie dramatique ancienne et moderne.
Amsterdam, M. -M. Rey, et Paris Desaint et Saillant, 1752.

3 volumes in-12 maroquin rouge, 3 filets d’encadrement, armes au centre des plats, dos orné avec chiffres couronnés, dentelle intérieure, tranches marbrées. Reliures royales en maroquin de l’époque.

165 x 92 mm.

Édition originale.

L’exemplaire personnel du roi Louis XV avec son cachet armorié, son chiffre et ses armoiries.

Dans ses remarques sur les tragédies de son père, Louis Racine se présente comme rapporteur des remarques d'autres critiques du langage, mais aussi comme critique lui-même. Nous avons donc accès à un exemple du purisme grammatical qui fait un compagnon au purisme moral. Cette recherche grammaticale se développait en effet à la fin du XVIIè siècle particulièrement dans les milieux jansénistes. Nous pouvons citer en particulier La logique ou l'art de penser, qui est le résultat d'une collaboration de Pierre Nicole et d'Antoine Arnauld, et sera une des œuvres fondamentales du développement de la grammaire comme discipline. Arnauld contribue aussi à une autre œuvre, la Grammaire générale et raisonnée avec un autre janséniste, Claude Lancelot (1615-1695). Tous ces grammairiens, contemporains et amis de son père, influencent très fortement Louis Racine.

Les œuvres tragiques de Jean Racine avaient suscité des séries de remarques sur la langue. Ils analysent les différents procédés littéraires, les utilisations inhabituelles de la grammaire, et les possibles inspirations linguistiques de l'auteur.

Ces essais n'ont jamais comme intention de diminuer la gloire de Jean Racine, mais plutôt d'utiliser ses tragédies comme référence. En effet, ces œuvres témoignent du statut des tragédies de Racine au XVIIIè siècle encore débutant : elles sont considérées d'une façon presque unanime comme les œuvres poétiques où la langue est la plus parfaite, et donc elles servent de point de départ de toute analyse grammaticale. C’est ce que Junga Shin appelle la « classicisation » du théâtre de Racine. L'abbé d'Olivet l'affirme à propos de Jean Racine et de Boileau : « Ils mériteraient incontestablement d'être mis à la tête de nos auteurs classiques, si l'on avait marqué le très petit nombre de fautes où ils sont tombés. » Les abbés d'Olivet et Desfontaines procèdent de la même manière que Louis Racine : pièce par pièce, ils citent en entier le vers qui est digne d'une remarque, et puis, sans transition, ils passent au prochain, expliquant, réprouvant, ou défendant les phrases.

Louis Racine souhaite montrer qu'on peut relever les imprécisions de style, de rimes, de choix de mots, ou de grammaire, sans pour autant diminuer la qualité d'un ouvrage. Ces petites fautes sont autant plus excusables chez Jean Racine que celui-ci ne prêtait généralement aucune attention à ses éditions, et corrigeait rarement après la première publication de ses œuvres.

Souvent, à l'analyse de ces prétendues fautes, les auteurs constatent qu'ils sont dus plus aux besoins du souffle poétique qu'à une négligence du poète. C'est le privilège d'un poète que de prendre des libertés avec la langue, de la soumettre à l'éloquence. Louis Racine met en garde aussi contre un excès de critique : « À force de raisonner sur la poésie, nous n'en aurons plus ». Il est vrai que Louis Racine a vu le développement de la critique grammaticale dans la première moitié du XVIIIè siècle. Il ne nie pas la nécessité de cette précision, mais il encourage ces critiques à proposer une œuvre égale à ceux qu'ils analysent.

Le superbe et précieux exemplaire personnel du roi Louis XV, chacun des trois volumes enrichis de deux cachets imprimés sur les pages de titre : le premier portant « Bibliothèque royale orné de trois fleurs de lys », le second « doubles changés » lui aussi orné de fleurs de lys surmontées de la couronne royale.

Louis XV, arrière-petit-fils de Louis XIV et troisième fils de Louis, duc de Bourgogne, et de Marie-Adélaïde de Savoie, né à Versailles le 15 février 1710, porta successivement les titres de duc de Bretagne, de duc d'Anjou et de dauphin (1712) ; il succéda à son bisaïeul le 1er septembre 1715, à l'âge de cinq ans ; la régence fut alors confiée à Philippe, duc d'Orléans, qui le fiança, en 1721 à Marie-Anne-Victoire, infante d'Espagne, sa cousine germaine, mais des raisons politiques firent échouer ce mariage ; le roi fut sacré à Reims le 25 octobre 1722 et déclaré majeur le 16 février 1723 ; le 5 septembre 1725 il épousa à Fontainebleau Marie Charlotte-Sophie-Félicité Leczinska, fille de Stanislas, roi, détrôné, de Pologne dont il eut dix enfants. Louis XV reçut le surnom de Louis le Bien-Aimé, à la suite d'une maladie qui faillit l'emporter, à Metz, en 1744. Il mourut à Versailles le 10 mai 1774. Sous son règne la Lorraine avait été réunie à la Couronne en 1766 et la Corse achetée aux Génois en 1768.

Jean Racine ayant tout au long de sa vie d’écrivain entretenu des relations fortes, privilégiées et intimes avec le roi et la famille royale, il est pour le moins étrange que les bibliographes ne répertorient aucun exemplaire des trois originales collectives de ses œuvres relié à l'époque avec une marque d'appartenance royale.

Voici la liste des plus précieux exemplaires des Œuvres de Racine reliés en maroquin de l’époque avec marque d’appartenance, répertoriés par les bibliographes :
1) Édition de 1676 : maroquin aux armes de la Princesse Palatine vendu 16 900 F en 1925, prix considérable.
2) Édition de 1687 : exemplaire en maroquin aux armes de Colbert. Lignerolles, 3 500 F or en 1894.

Exemplaire relié en maroquin légèrement postérieur de Padeloup aux armes du Comte d'Hoym vendu 5 150 F or en 1869. Il est aujourd'hui chez le Baron James de Rothschild d'où il ne sortira plus ». Le prix d'un bel exemplaire en veau de l'époque était alors de 30 F or.

Le 29 mars 1984, le célèbre bibliophile Jacques Guérin acceptait de se séparer de son Racine de 1702 aux armes de Madame de Chamillart, l’ultime édition originale collective, « la plus conforme aux vœux de Racine » (J. Guibert) au prix de 477 000 FF, (73 000 €), n° 81 de la vente, il y a 40 ans.

Vendu