Justine ou les malheurs de la vertu

Sade, Donatien Alphonse François, marquis de
Hollande, les Libraires Associés (Paris Girouard), 1791.
Prix : 55 000 €

Édition originale de Justine, le premier ouvrage de Sade « dont les exemplaires pourraient se compter sur les doigts » (Pierre Berès).

Bel exemplaire, grand de marges.

2 tomes en un volume in-8. 1 frontispice, 283 pp., (2) ff., 191 pp.

Maroquin aubergine janséniste, dos à nerfs, coupes filetées or, large roulette intérieure, tranches dorées. Reliure signée de Petit, vers 1850.

194 x 122 mm.

Sade, Donatien Alphonse François, marquis de. Justine ou les malheurs de la vertu.
Hollande, les Libraires Associés (Paris Girouard), 1791.

« Édition originale du premier ouvrage de Sade dont les exemplaires pourraient se compter sur les doigts » (Pierre Berès).
Pia, Les Livres de l’Enfer, 388 ; Delon, Sade, un athée en amour, Bibliothèque Bodmer, 2014, n°100 ; Bibliothèque de l’Arsenal, Les Choix de Pierre Leroy, 2016, n°45.

La touchante dédicace imprimée du livre, « A ma bonne amie », s’adresse à la fidèle compagne de misère de l’écrivain, Marie-Constance Quesnet ; dans cette importante apologie de ses écrits, Sade justifie son entreprise et affirme que son dessein est d’aboutir à l’une des plus sublimes leçons de morale que l’homme ait encore reçues, fût-ce par une route peu frayée jusqu’à présent.

Roman d’aventures du « genre noir », poussé à son paroxysme, le livre eut immédiatement un succès considérable. Il paraissait au moment où la Constituante rendait à Sade sa liberté au terme de douze années de captivité que lui avaient valu des heurts nombreux avec sa famille et la société. Aristocrate, allié aux Bourbons, philosophe et libertin, Sade s’enflamma pour la Révolution qui dédaigna son concours ; maintenu en captivité après la prise de la Bastille d’où il ameutait les passants au début du mois de juillet 1789, l’écrivain n’échappa à la guillotine que grâce à la chute de Robespierre.
Le frontispice, de style néo-classique, dessiné et gravé par P. Chery sous la direction d’Antoine Carrée, représente la Vertu assaillie par la Luxure.

« C’est sous de multiples aspects qu’il convient d’envisager l’histoire de « Justine ou les Malheurs de la vertu ». La philosophie du marquis de Sade y est tout entière résumée dans la tirade finale où Juliette s’écrie d’une voix triomphante : « ... Je l’avoue, j’aime, le crime avec fureur, lui seul irrite mes sens, et je professerai ses maximes jusqu’au dernier moment de ma vie. Exempte de toutes craintes religieuses, sachant me mettre au-dessus des lois par ma discrétion et par mes richesses, quelle puissance, divine ou humaine, pourrait donc contraindre mes désirs ? Le passé m’encourage, le présent m’électrise, je crains peu l’avenir (...). La nature n’a créé les hommes que pour, qu’ils s’amusent de tout sur la terre ; c’est la plus chère loi, ce sera toujours celle de mon cœur. Tant pis pour les victimes il en faut ; tout se détruirait dans l’univers sans les lois profondes de l’équilibre ; ce n’est que par des forfaits que la nature se maintient et reconquiert les droits que lui enlève la vertu. Nous lui obéissons donc en nous livrant au mal ; notre résistance est le seul crime qu’elle ne doive jamais nous pardonner. Oh ! Mes amis, convainquons-nous de ces principes ; dans leur exercice se trouvent toutes les sources du bonheur de l’homme. »

Les Surréalistes revendiquèrent cette subversion considérant le marquis de Sade comme l’un de leurs plus importants devanciers. « Un homme, qui n’est resté longtemps célèbre que pour avoir attaché son nom à une dépravation, un homme dont les conclusions dans tous les domaines se vérifient chaque jour en dehors même de ses prémisses, dont l’influence va grandissant et que n’ont pas craint de mettre hors pair Baudelaire et Apollinaire, le marquis de Sade (…) apparaît comme la première incarnation de l’esprit révolutionnaire que le XIXe siècle n’est pas parvenu à étouffer (Louis Aragon et André Breton, lettre à Jacques Doucet, février 1922).

L’édition originale de 1791 et la nouvelle rédaction de 1797 sont aussi rares l’une que l’autre et ont sensiblement la même valeur.

Pierre Berès décrivait un exemplaire de l’originale de 1791 relié vers 1890 par Lortic frères, « à belles marges » (hauteur 190 mm) au prix de 375 000 FF (environ 57 500 €) il y a 35 ans (Cat. 79, année 1989, n° 129).

Bel exemplaire, grand de marges (hauteur 194 mm).

De la bibliothèque du parolier d’Edith Piaf, René Rouzaud, avec ex-libris « La Goualante ».