Christopheri Colom De Insulis
Magnifique exemplaire complet de la célèbre lettre latine de Christophe Colomb imprimé sur grand papier conservé dans son éblouissante reliure de l’époque, condition absolument exceptionnelle pour une impression des premières décennies du XVIè siècle.
1 volume in-folio de 14 ff., 394 pp., (1) f., (4) ff., 150 pp., (1) f.
Peau de truie estampée à froid, dos à nerfs orné, fermoirs et attaches présentes.
Superbe reliure de l’époque.
304 x 202 mm.
La célèbre lettre de Christophe Colom imprimée à Basle conservée dans sa magnifique reliure de l’époque en peau de truie estampée à froid.
Écrite à bord de la Niňa, le 15 février 1493, la lettre de Christophe Colomb, relatant sa première expédition à Luis de Santángel, chancelier du royaume d'Aragon, fut imprimée en castillan à Barcelone en avril 1493 et traduite en latin à Rome, par Leandro de Cosco, le 29 avril de la même année. S'il reste peu de témoins de la version castillane, la traduction latine a connu un certain succès et elle se diffuse dans toute l'Europe, donnant lieu à de nouvelles traductions en italien et en allemand. Les relations entre les différentes versions ne sont toutefois pas nettement éclaircies et méritent un examen approfondi. Outre cette première lettre, les diverses expéditions de Colomb donnent lieu à la composition en latin de plusieurs textes et lettres, qui reprennent, plus ou moins littéralement, les informations de ses écrits ou de ceux de ses compagnons, telles les lettres de Pierre Martyr d'Anghiera (1457-1526), assurant de ce fait une diffusion aux découvertes du navigateur.
Suivent quelques extraits traduits en français de cette si célèbre lettre latine dont les rarissimes spécimens parvenus jusqu’à nous sont si âprement disputés et que l’on présente ici :
Lettre de Christophe Colomb auquel notre siècle doit beaucoup, à l’occasion des îles de l’Inde trouvées récemment au-delà du Gange et pour la recherche desquelles il avait été envoyé huit mois auparavant sous les auspices et aux frais de Ferdinand, roi invincible des Espagnes, laquelle lettre a été adressée au magnifique seigneur Raphaël Sanris, trésorier du dit roi très-sérénissime et que le noble et lettré Aliander de Cosco a traduite de l’espagnol en latin, le 3è des calendes de mai 1493 et la première année du pontificat d’Alexandre VI.
« Comme je sais que cela doit vous être agréable, j'ai résolu d’écrire le récit de la conquête, afin que vous connaissiez les détails de notre voyage, de nos exploits et de nos découvertes. Trente-trois jours après avoir quitté Cadix, je suis entré dans la mer des Indes où j’ai trouvé plusieurs îles remplies d'habitants. Après y avoir fait faire une proclamation solennelle, et y avoir déployé nos drapeaux, j’en ai pris possession au nom de notre roi très-heureux sans que personne ne s’y soit opposé. J’ai donné à la première de ces îles le nom de Saint-Sauveur (San Salvador), en reconnaissance du secours que le Sauveur m'avait fourni, tant pour cette île que pour les autres où nous sommes entrés. Les Indiens appellent cette première Guanahani. J'ai donné aussi à chacune des autres un nouveau nom : à l'une, celui de la conception de Sainte-Marie, à une autre celui de Ferdinanda, à une troisième celui d’Isabella…
Toutes ces îles en un mot sont très belles, d’un aspect différent, commodes aux voyageurs. Elles sont remplies d'arbres très variés et s’élevant très haut dans l'espace. Je crois qu’ils ne sont jamais dépouillés de leurs feuilles ; car je les ai vus verts et beaux comme le seraient au mois de mai, en Espagne, les arbres de notre pays…
Dans l’île que j’ai nommée Hespaňuola (Saint-Domingue) et dont j’ai parlé ci-dessus, on trouve beaucoup de belles montagnes ; les champs, les forêts y sont vastes, les terres fertiles, soit pour la culture,
soit pour les pâturages, et sont excellentes pour la construction…
Pour quelques écus d’or, ces Indiens donnaient tout ce qu’on voulait. Ainsi, par exemple, une ou deux onces d’or pour une pièce de monnaie d’or qui n'en valait pas la moitié, ou trente à quarante livres de coton dont ces matelots connaissaient déjà la valeur. Enfin pour des fragments d’arc, de vase, de carafe, de poterie réfrigérante, ils donnaient du coton ou de l’or dont ils se chargeaient comme des bêtes de somme. Mais ces échanges étaient contraires à l'équité, je les défendis et je donnais gratuitement à ces bons Indiens beaucoup d'objets beaux et agréables que j'avais apportés avec moi, afin de me les attacher plus facilement, qu'ils se fissent chrétiens et qu'ils fussent plus portés à aimer notre roi, notre reine, nos princes, toutes les populations de l’Espagne ; afin de les engager à rechercher, à amasser et et à nous livrer les biens dont ils abondent et dont nous manquons totalement…
Ils ne sont ni paresseux ni grossiers, ils sont au contraire spirituels et intelligents. Ceux qui naviguent sur cette mer font des récits de tout ce qui a excité leur étonnement, mais ils n’avaient jamais vu des peuples vêtus comme nous, ni des vaisseaux comme les nôtres. Aussitôt que j'eus abordé dans la première île que je rencontrai dans cette mer, je fis saisir comme prisonniers quelques Indiens, afin qu'ils nous apprissent ce qu’ils savaient de ces îles et nous aidassent à les connaître. Ce procédé réussit parfaitement, car bientôt nous nous comprîmes par gestes, par signes, et enfin par les paroles : ce qui nous fut de la plus grande utilité. Ils viennent avec moi, et quoique déjà depuis longtemps ils ne nous quittent pas, ils continuent à croire que je suis descendu du ciel, et ils sont les premiers, partout où nous abordons, à dire aux autres à haute voix : « Venez, venez, vous verrez des habitants du ciel ».
Aussi les femmes comme les hommes, les enfants, comme les adultes, les jeunes gens comme les vieillards, après s’être remis de la frayeur qu’ils avaient d’abord éprouvée, accourraient à l’envi pour nous contempler. Une grande foule se formait ainsi, dans laquelle les uns nous apportaient à manger, les autres à boire, et cet empressement était empreint d’un amour et d’une bienveillance incroyables.
Chacune de ces îles possède beaucoup de bateaux creusés dans des troncs d’arbre ; quoique plus étroits que nos birèmes ; ils y ressemblent par leur longueur et par leur forme, mais ils les surpassent en vitesse ; tous sont dirigés seulement par des rameurs.
… Les habitants de Caraï se nourrissent de chair humaine. Ils ont différentes sortes de bateaux, avec lesquels ils abordent dans toutes les îles indiennes, dévastent, pillent tout ce qui tombe sous leurs mains. Ils ressemblent, du reste, aux autres insulaires ; mais ils ont les cheveux longs, à la manière des femmes, et se servent d’arcs et de flèches en forme de javeline. Ces projectiles sont faits de roseaux auxquels ils adaptent, à la partie la plus grosse, une pointe dure. C’est pour cela qu’ils sont considérés comme plus cruels que les autres, aussi leurs voisins sont-ils à leur égard dans une terreur continuelle ; mais je ne les crains pas plus que les autres… ».
Cette lettre latine de Christophe Colomb ne se trouve plus en reliure de l’époque depuis de nombreuses décennies. La plupart sont détériorées ou incomplètes.
Au cours des 30 dernières années, la seule passée sur le marché public était incomplète de 6 feuillets et en reliure moderne. Elle fut néanmoins adjugée 620 000 $ par Bonhams il y a 5 ans.
Voici sa description : « Colomb. Christophe. 1451-1506. De insulis nuper in mari Indico repertis… Bâle : Johann Bergmann de Olpe, 4to. Fin XVè siècle – Précédé de Carolus Verardus. Historia Bétique. – maroquin du XIXe siècle par William Matthews - mors supérieur de départ, bords frottés – 28 lignes ; lettre romaine ; rubriqué – 28 (sur 36) feuilles ; manque le cahier bb8 – Bonhams, New York, 26 septembre 2017 ; lot 2, 620 000 $. »


