Description
Exceptionnel manuscrit demeuré inédit rédigé par Antoine,
valet de chambre de Louis XIV,
et relatant les derniers jours du roi.
L’exemplaire personnel de l’auteur,
Antoine, valet de chambre du roi.
Antoine, le sieur, valet de chambre de Louis XIV. Journal historique ou Récit fidelle de ce qui s’est passé de plus considérable durant la maladie et à la mort de Louis quatorze, Roy de France et de Navarre.
Fait et dressé par le S[ieu]r Antoine le fils, garçon ordinaire de la chambre du Roy en 1715.
[Versailles ou Saint-Germain-en-Laye], 1715.
Manuscrit in-4 de 221 pp. chiffrées à l’époque, 2 portraits gravés montés en frontispices.
Veau havane, triple filet doré encadrant les plats, dos à nerfs richement orné, pièce de titre en maroquin rouge, coupes décorées, tranches dorées. Reliure de l’époque.
215 x 167 mm.
Exceptionnel manuscrit relatant la maladie et la mort de Louis XIV, rédigé à l’époque et au chevet du roi.
Ce texte renferme des informations auxquelles ni les chroniqueurs du temps, ni les historiens des siècles suivants n’ont eu accès.
Le sieur Antoine appartient à une dynastie de serviteurs évoluant depuis plus d’un siècle dans l’entourage royal. L’un de ses aïeux avait laissé un journal manuscrit relatant les derniers jours du roi Louis XIII. Personne ne pouvait être mieux placé pour connaître les secrets les mieux dissimulés de la vie intime du roi, que ses valets de chambre. Les relations de l’agonie et de la mort de Louis XIV données par le duc de Saint-Simon ou de Voltaire sont le plus souvent de seconde main, basées sur les rumeurs de Versailles. Ces auteurs ont également beaucoup emprunté aux mémoires du marquis de Dangeau, courtisan toujours aux aguets, mais dont la présence auprès du roi était bien évidemment moins constante que celle des valets de chambre présents nuit et jour.
L’on observe que sur bien des points, le texte du valet de chambre vient contredire la version de Saint-Simon, notamment lorsque celui-ci accuse madame de Maintenon d’avoir abandonné le roi. Le Journal d’Antoine nous apprend au contraire que la marquise était présente à Versailles le 31 août, la veille de la mort du roi, « et que ce n’est qu’en trouvant le moribond sans connaissance qu’elle distribua à ses domestiques le peu de meubles qu’elle possédait et qu’elle se retira à Saint-Cyr avec cette résolution, qui n’était pas sans dignité, de ne plus quitter cette retraite » (Drumont, p. XXXIV).
Concernant les dernières phrases que le roi adressa au dauphin, notre texte offre une version légèrement différente de celles transmises par les chroniqueurs de l’époque : « Mon cher enfant, vous allés être un grand roy. N’oubliés jamais les grandes obligations que vous avez à Dieu. Ne m’imités pas surtout dans les guerres que j’ay entreprises. Tachés de maintenir toujours la paix avec vos voisins. Soulagés votre peuple le plus que vous pourrés. J’ay eu le malheur par les nécessités de l’Etat où je me suis trouvé, de ne le pouvoir faire. Suivés en tout le conseil de personnes éclairées, sages, et désinterressées. Songés que c’est à Dieu seul que vous devez tout ce que vous êtes. Et n’oubliés jamais les obligations que vous avés à Mad[am]e de Ventadour pour tous les soins qu’elle a pris de vous élever, et qu’elle veut bien continuer encor. »
Précieux témoignage de première main, curieusement demeuré inédit.
L’auteur mentionne dans son introduction que ce manuscrit a fait l’objet de plusieurs copies, qu’elles ont été lues et appréciées, et qu’on lui a conseillé de le publier : « Notre dessein étoit […] d’en communiquer seulement des copies à ceux qui nous en demanderoient, et sans néanmoins la rendre publique ; mais plusieurs de nos amis l’ayant vûe et lûe, elle leur a paru si intéressante qu’ils nous ont prié et conseillé de la faire imprimer. Nous y avons acquiescé, et nous espérons que le public ne nous sçaura pas mauvais gré d’avoir suivi leurs sentiments ».
Mais contre toute attente, l’ouvrage n’a jamais été publié à l’époque. Il tombera dans l’oubli et il semble que les copies manuscrites ont été volontairement détruites. C’est seulement en 1865 qu’un érudit normand, Julien Travers, découvrant à la bibliothèque de Caen une copie de cet ouvrage, en informe la communauté scientifique, et sollicite son accord en vue d’une publication. Cependant son effort restera sans suite, et ce n’est qu’en 1880 qu’Edouard Drumont en fera paraître la première édition ; elle sera basée sur une copie que possédait à l’époque le dramaturge Victorien Sardou. De cette copie, nous n’avons pas retrouvé trace.
Une première confrontation de notre texte avec celui de la copie conservée à Caen a laissé apparaître un certain nombre de variantes, dont l’étude resterait à approfondir.
Notre exemplaire est l’une des trois seules copies connues de ce manuscrit : l’une d’elles est conservée à la bibliothèque de Caen, et la copie Sardou n’est pas localisée.
Concernant l’absence de publication à l’époque, Edouard Drumont formule une hypothèse convaincante : c’est en raison de l’adhésion des Anthoine aux thèses jansénistes que le document serait demeuré caché. « Pourquoi ce journal n’a-t-il pas vu le jour ? la raison en est simple. Les Anthoine étaient manifestement jansénistes ». Il cite à l’appui de cette opinion un passage du Journal relatant l’un des derniers entretiens du roi avec les cardinaux de Rohan, de Bissy et de Polignac, et où l’on prête au monarque ces propos :
« … dans les dernières affaires qui sont survenues depuis peu, je n’ai suivy que vos avis et n’ay fait que ce que vous m’avez conseillé de faire, c’est pourquoy, si j’ay pu mal faire, c’est sur vos consciences […] et vous en répondrez devant Dieu, pour moy je n’ai eu que de très bonnes intentions ».
N’oublions pas que le roi Louis XIV affirma très tôt sa ferme opposition aux jansénistes, qu’il soupçonnait de s’opposer à l’absolutisme royal. C’est à sa demande que le pape Clément XI publia en 1713 la célèbre « Bulle Unigenitus » portant la condamnation du mouvement. Aussi est-il fort surprenant de lire sous la plume des Antoine que le roi aurait reporté sur ces cardinaux la responsabilité de ses décisions… A l’époque, la lecture de ces lignes dut paraître tout-à-fait choquante : il y est clairement sous-entendu que le roi mourant aurait avoué une faveur personnelle pour le jansénisme…
Exceptionnel manuscrit, demeuré inédit, relatant la maladie et la mort du roi Louis XIV, rédigé à l’époque, au chevet du roi par son valet de chambre, Antoine.
Provenance exceptionnelle pour ce document historique et combien émouvant, unique.
Si le manuscrit ne semble pas être de la main même de son auteur, le sieur Antoine valet de chambre de Louis XIV, ce dernier a corrigé le texte et le manuscrit porte sa signature ainsi que la mention de sa responsabilité d’auteur ajoutée de sa main au début du texte : « Ce présent manuscrit apartient à Monsieur Antoine escuier garçon ordinaire de la chambre du Roy, demeurant à St Germain chez monsieur Didier à la croix Dauphine ».
Il s’agit bien de l’exemplaire personnel de l’auteur.
J. Travers, Analyse et extraits du Journal historique, ou récit fidèle de ce qui s’est passé de plus considérable pendant la maladie et la mort de Louis XIV, roi de France et de Navarre, par les Srs Anthoine, Paris, Imprimerie impériale, 1865 ; E. Drumont, La mort de Louis XIV. Journal des Anthoine publié pour la première fois avec une introduction de E. Drumont ; C. Couderc, G. Lavalley, « Catalogue des manuscrits de la bibliothèque de Caen », in Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, Paris, 1890, p. 234-235, notice n° 503.