Description
L’interdiction du « duel du point d’Honneur »
ordonné par le roi Charles IX
revêtue d’une superbe reliure à la fanfare
réalisée en l’année 1586 par Nicolas Eve
portant le nom de Claude Bouvot frappé en lettres d’or.
Précieux volume provenant de la bibliothèque du Comte de Lignerolles.
Paris, 1586.
Cheffontaine, Christophe de. Chrestienne confutation du poinct d’honneur, sur lequel la noblesse fonde aujourd’hui ses monomachies, & querelles. Par R. P. C. de Cheffontaine, Archevesque de Caesarée… Reveu, corrigé, et augmenté, outre les precedentes editions.
Paris, Arnold Sittart, 1586.
In-8 de (20) ff., 184 ff.
Exemplaire réglé, maroquin brun, filets, compartiments et arabesques, rinceaux de feuillages, tranches dorées.
Reliure à la fanfare de l’époque au nom de Claude Bouvot.
171 x 110 mm.
« Bel exemplaire orné d’une charmante reliure exécutée au XVIè siècle. – Sur les plats le nom de Claude Bouvot » (Catalogue des Livres rares et précieux de Feu M. le Comte de Lignerolles, Paris, 1894, n°261).
Superbe reliure à la fanfare réalisée par Nivolas Eve, relieur des rois Henri III et Henri IV, en l’année 1586 pour Claude Bouvot, sur ce texte hostile au duel d’Honneur, en pleine actualité après le duel des Mignons de 1577.
Le roi ne donnant plus l’autorisation de se battre, on s’en passa, le duel judiciaire prenant alors une nouvelle forme au XVIè siècle, le duel du point d’honneur. Dans le désir de braver le pouvoir royal grandissant, on se battait pour n’importe quelle raison, et au besoin on inventait un prétexte concernant son honneur (privé ou public) quand l’envie venait de vouloir simplement se mesurer les armes à la main. Le duel devint une mode, et sous l’influence des maîtres italiens, l’épée en devint l’arme quasi- exclusive avec la dague et, parfois, la lance. Les témoins, appelés « seconds », d’acteurs passifs qu’ils étaient au départ, prirent de plus en plus part aux duels qu’ils étaient censés arbitrer. En 1652, lors du duel des ducs de Nemours et de Beaufort, il y eut dix personnes qui se battirent ensemble dans le marché aux chevaux où eut lieu la rencontre. Il y eut trois morts et plusieurs blessés.
Le résultat fut qu’en quelques décennies les gentilshommes tués en duel se comptèrent par milliers. Entre 1588 et 1608 ont été comptabilisés près de dix mille gentilshommes tués pour des questions d’honneur, soit une moyenne de cinq cents par an ou deux par jour de semaine. Devant cette hécatombe, les souverains successifs reconnurent la nécessité d’interdire cette pratique. Mais issus eux-mêmes de cette aristocratie batailleuse et sourcilleuse, et bien que défenseurs de la religion interdisant cette pratique, ils montrèrent toujours beaucoup d’indulgence envers les duellistes. Les édits d’interdiction se multiplièrent (en 1599, 1602, 1613, 1617, 1623, etc.), mais pas autant que les lettres de grâce, annulant leurs effets : Henri IV en signa 7 000 en 19 ans.
Ce précieux volume présente entre autre l’ordonnance du roi Charles IX sur l’interdiction des duels d’honneur commençant ainsi :
« ORDONNANCE DU ROY SUR LA PROHIBITION ET DEFENSE A TOUS Gentilhommes & autres de ne se desmentir l’un l’autre, ne pour ce faict en faire assemblee en armes, sur peine de la vie.
DE PAR LE ROY.
Ledict Seigneur desirant faire vivre sa noblesse en bonne paix & union, esteindre & assoupir les querelles & noises qui sont entre aucuns gentilhommes, soubs couleur des torts & offences qu’ils pretendent leur avoir esté faicts. »
La reliure :
« Le style à la fanfare est composite : le dessin est inspiré des entrelacs du règne de Henri II, par l’entremise surtout d’un petit groupe de reliures dont certaines ont appartenu à Thomas Mahieu ; les feuillages sont dus à l’invention des artistes qui ont travaillé pour Henri II et Diane de Poitiers ; les volutes proviennent soit du Proche-Orient, soit de l’Antiquité classique. Tous les éléments du style existaient dans l’art décoratif avant d’être introduits dans la reliure.
On sait que le nom de « reliure à la fanfare » vient d’une copie de reliure ancienne faite en 1829 par Thouvenin pour Charles Nodier sur un exemplaire des Fanfares et corvées abbadesques imprimées à Chambéry en 1613, exemplaire aujourd’hui conservé dans la collection Dutuit, au Petit Palais. L’expression : « reliure à la fanfare » désigne donc des reliures semblables à celle qui fut imitée par Thouvenin ; d’où cette autre question : que faut-il entendre par « semblables ? » N’ayant sous la main aucune réponse toute faite, je l’invente, et je crois me conformer à la tradition et au bon sens en formulant les règles suivantes :
Les reliures « à la fanfare » doivent être ornées à petits fers.
Elles doivent être décorées d’une composition unique couvrant la presque totalité des plats.
Ce dessin doit comprendre des compartiments de formes et de tailles diverses, délimités par un ruban ; d’ordinaire, mais non toujours, quelques-uns de ces compartiments ont la forme d’un huit.
Il doit y avoir un compartiment central plus important que chacun des autres, par la taille ou autrement.
Tous les compartiments, moins le compartiment central, doivent être remplis de dorures.
Les ornements doivent comprendre des feuillages au naturel.
Le ruban formant les compartiments doit être limité d’un côté par un filet simple, de l’autre par un filet double » (GD. Hobson, Les reliures à la fanfare, Amsterdam, 1970).
Ce superbe volume atteint le prix de 420 F or à la vente Lignerolles (n°261), il était suivi des N°262 – 263 – 264 – 265, etc, livres précieux des XVIè et XVIIè siècles vendus alors 34 F Or, 50 F Or, 34 F Or et 19 F Or.
Provenance : Claude Bouvot (nom sur la reliure), ex libris Bœ Mariœ de Joyaco 1709 (inscription sur le titre), Comte de Lignerolles (sa vente, première partie en 1894, lot 261) ; acquis chez Nourry en 1936.