Description
Manuscrit de Sade ayant servi à la publication par Pauvert en 1970.
Sade, Donatien Alphonse François, marquis de. Le Prévaricateur, comédie en cinq actes et en vers.
[1810-1814].
1 volume in-4 (23,5 x 18,3 cm) de 244 pages non paginées.
Broché, couverture cartonnée vieux rose, coutures distendues, deux doubles feuillets détachés, carton du dos en partie disparu. Sous étui toilé moderne.
L’un des deux manuscrits connus de cette pièce, le plus complet.
En effet, le premier manuscrit, aujourd’hui conservé à l’UCLA (University of California, Los Angeles, f M.S.2001.020) ne contient que le texte de la pièce.
Notre manuscrit est enrichi d’une importante partie (30 pages) intitulée Réflexions sur cette pièce avec une épitaphe extraite de Dorat.
De plus Sade a corrigé le manuscrit et nous comptons au moins 20 corrections autographes, la plupart des mots changés ou ajoutés. Deux petites phrases sont autographes. De plus, la couverture est entièrement autographe. Le manuscrit est écrit d’une belle écriture, très claire.
Ce manuscrit est bien évidemment datable de son séjour à l’asile de Charenton car il s’agit d’un cahier avec une couverture cartonnée rose et des pages à encadrement bistre, typique de cette période (manuscrits analogues du Capricieux et d’Oxtiern). Un rapport du 7 décembre 1814 indique que ce manuscrit a été copié il y a plusieurs mois. La pièce est digne de son auteur et a fait horreur à celui qui a fait l’aveu de l’avoir copiée. Le manuscrit fut écrit entre 1810 et 1814, probablement au début de l’année 1814. Initialement, la pièce comptait 4 actes mais Sade l’a réécrite en 5. Nous ne connaissons d’ailleurs pas la version en 4 actes, les deux manuscrits étant identiques.
Références :
- James Cummins bookseller ; fiche descriptive de l’autre manuscrit, vendu en 2001 à I’UCLA.
- UCLA, f M.S.2001.020.
- D.A.F. de Sade, Œuvres complètes XXXV— Le théâtre de Sade. Paris, Jean-Jacques Pauvert, 1970. Première édition de la pièce, pages 251 à 376.
Le prévaricateur, c’est-à-dire celui qui sacrifie les devoirs de sa charge à ses propres intérêts, a donné son nom à une pièce de théâtre, dont les préalables Réflexions sur cette pièce confirment la thèse selon laquelle la critique sadienne ne s’adresse pas au genre « magistrat » en général, mais seulement à certains d’entre eux (les prévaricateurs) – qu’elle n’est pas en un mot, celle de la justice, mais bien plutôt celle de l’injustice, d’autant plus odieuse qu’elle se dissimule derrière le bandeau de Thémis. C’est ainsi que l’auteur présente sa pièce : « Le Prévaricateur ou le Magistrat du temps passé (…) Cette comédie peint les ridicules et les mœurs de l’ancienne magistrature ; elle est aux robins de l’Ancien Régime ce qui était le Tartuffe aux dévots. Le prévaricateur est le magistrat de l’ancien droit, c’est-à-dire du droit pénal de l’Ancien régime, par opposition au nouveau droit, construit par la réforme pénale du XVIIIe siècle. Et, en tant qu’il est celui qui sacrifie les devoirs de sa charge à ses propres intérêts, le prévaricateur est aussi le libertin-magistrat (ou plus généralement, le libertin-politique).
L’œuvre dramatique de Sade – une vingtaine de pièces écrites pour la plupart lors de ses séjours carcéraux à Vincennes et à la Bastille – a fait l’objet de controverses qui sont abordées dans l’étude de Sylvie Dangeville remarquant d’emblée que, de l’aveu du principal intéressé, sa production dramatique était celle à laquelle il « tenait le plus ». Mais on sait que cette carrière d’auteur dramatique a subi de multiples infortunes. Le comte Oxtiern constitue le seul « succès » véritable de Sade. Le public parisien n’a pu voir cette pièce qu’à deux reprises : à la première du 22 octobre 1791, succéda un seul autre spectacle, le 4 novembre suivant, sur les planches du même théâtre, le Théâtre Molière. Le Moniteur universel y consacre tout de même un compte rendu détaillé, où l’on peut lire « Le comte Oxtiern ou les Effets [sic] du libertinage, drame en trois actes, en prose, a été représenté avec succès sur ce théâtre ».
Le directeur du Théâtre Molière exprima en outre le souhait que d’autres pièces de Sade soient jouées afin que le public puisse être davantage en mesure d’apprécier le talent de l’auteur. Enfin, une dernière représentation d’Oxtiern eut lieu huit ans plus tard, le 13 décembre 1799, sur les planches de la Société Dramatique de Versailles. Sade lui-même y jouait le rôle de Fabrice, l’aubergiste vertueux qui s’oppose aux machinations du sénateur scélérat Oxtiern ; et ses talents d’acteurs ont été pareillement reconnus.
Le thème de la corruption du sénateur Oxtiern est central dans cette pièce, à l’instar de son œuvre en général, incluant d’autres pièces de théâtre, telles, en 1783, Le Prévaricateur ou encore Le Suborneur. Ces pièces se distinguent d’Oxtiern par le refus systématique essuyé auprès de plusieurs administrations de théâtres auxquelles Sade les avait soumises et conséquemment par l’inexistence de représentation publique attestée.
En juillet 2001, il y a 16 ans, le second manuscrit connu de cette œuvre fut proposé $ 42 500 (48 500 €) et vendu à l’UCLA. Riche d’une centaine de corrections, il était incomplet de 30 pages de « réflexions sur cette pièce » présentes ici. C’est donc le présent exemplaire qui serait utilisé lors de la publication par Pauvert en 1970.
Working Manuscript of the Marquis de Sade
- Sade, Donatien-Alphonse-François, Marquis de. Le Prévaricateur, 5 Actes, complete manucript, in secretarial hand, with over 100 autograph corrections and additions in the hand of the Marquis de Sade himself, as well as 5 full pages in De Sade’s autograph manuscript, executed while he was confined to the lunatic asylum at Charenton. 84 unnumbered pages, plus De Sade’s handwritten title on cover: « II. le prévaricateur 5 actres », with numerous slips and overlays. Small folio, (Charenton: c. 1810). Sewn. Laid in a three quarters red morocco slipcase and chemise, Fine, $42,500 (48 500 €, juillet 2001)
Written while he was an inmate in the asylum of Charenton, where he was transferred from the Bicétre prison in 1803. As part of his and the other inmates’ therapy, Sade was given the freedom to arrange theatrical representations to be performed by the inmates themselves, and it was Sade himself who wrote the plays, produced and directed them on a monthly basis. Performed by dancers and actresses from some of Paris’s small theaters as well as by the inmates themselves, the plays were regularly attended by an audience consisting of madmen, village notables and doctors. According to H. de Colins (Notice sur l’établissement consacrée au traitement de l’aliénation mentale établie à Charenton, in Sade. JOURNAL INEDIT, Paris, 1970, pp. 132-33), “Both scientists and the ignorant wanted to attend the spectacles given by the insane of Charenton. All of Paris flocked there for several years; some out of curiosity, others to judge of the prodigious effects of these admirable means of curing the insane. »
The current manuscript is one of two which have survived — but this is clearly the earlier of the two and is heavily corrected by Sade. Le Prevaricateur was published in Pauvert’s edition of Les Oeuvres, (1991), in which, at p. 117, he quotes the original editor Jean-Jacques Brochier who examined the manuscripts in the family in 1970 : « Jean-Jacques Brochier describes thus the two manuscripts of this play : The first, a large white notebook, 32 x 20 cm., bears on the title-page: « II, Le Prévaricateur, 5 actes, » and Act I begins on page 3, with the traditional ‘Cast of Characters’. This manuscript is heavily corrected …the second manuscript, which we have used to establish the text, is undated. But the paper … and the binding. . .permit us to date it toward the end of Sade’s life, i.e., between 1810 and 1814. »
The manuscript here corresponds exactly to the first of the two, and a quick comparison of the manuscript with the printed text indicates that Sade’s changes were incorporated into the printed text (via the second manuscript). However, it is interesting to note that in contrast to the printed version of La Tour Mystérieuse, which prints also Sade’s deletions and scorethroughs in the footnotes, the printed text of Le Prévaricateur does not, probably because there were so many changes.
An important manuscript thus, and a substantial and rare example of the Marquis de Sade’s autograph.